Premières lignes (2)

Dans ce rendez-vous hebdomadaire, organisé par Ma Lecturothèque, je vous ferai part des premières lignes de romans qui me font considérablement envie…


Pour cette semaine, j’ai décidé de vous présenter les premières lignes du roman « Ce que disent les Silences », écrit par Laure Manel et édité chez Michel Lafon !

Ce que disent les Silences

« Samedi 28 octobre 2000. Le cœur au bord des lèvres et la tête dans un sac en plastique, Adèle se maudissait. Quelle idée, non mais vraiment quelle idée…Elle trouvait sa précipitation insensée. Ne comprenait même pas sa présence, ici, sur ce bateau. Comme d’habitude, elle avait agi avant de réfléchir. Elle avait quitté Paris, filé vers la Bretagne, dormi dans un hôtel quelque part dans le Finistère, atterri au guichet de l’embarcadère, prié pour qu’il reste des places sur le prochain navire…Comme si les gens étaient aussi pressés qu’elle et s’étaient donné le mot pour quitter la terre ferme un jour de grand vent ! Comme si sa vie en dépendait. Alors que non. Alors qu’elle aurait pu remettre à plus tard, attendre que la météo soit plus encline à offrir aux passagers une traversée calme. Mais non, elle n’avait pas voulu attendre. Et elle était là, le cœur au bord des lèvres et la tête dans un sac en plastique. Le Fromveur avançait courageusement, affrontant les vagues, se laissant tanguer, mais gardant le cap. Adèle regardait autour d’elle par intermittence. Elle cherchait parmi ses compagnons d’aventure ceux qui vivaient les mêmes tourments qu’elle. À la crispation, à la pâleur de certains visages, elle se sentait des leurs. Et puis il y avait les autres. Ceux qui semblaient indifférents à tout, au vent, aux vagues, aux balancements. Ceux qui dormaient, lisaient, ou discutaient. Ceux qui contemplaient le paysage…Adèle les soupçonna d’emblée de faire partie des îliens. De ceux pour qui prendre le bateau ressemble à prendre la voiture. Est-ce que le mal de mer s’efface à force d’habitude ? Adèle eut un petit rictus. Elle se plaçait du côté des touristes. Y en avait-il d’ailleurs ? C’était le début des vacances de la Toussaint, alors certainement que oui. Il y avait même des enfants. Des enfants encombrés de parents. Ou l’inverse. Adèle soupira. Les crampes qui tordaient son estomac ne toléraient pas le bruit. Le bateau ralentit. Adèle jeta un œil par la fenêtre. On approchait d’un port de bout du monde, surmonté de quelques maisons, gardé de récifs et de balises. Ce devait être Molène. Après une manœuvre d’apparence facile, le Fromveur s’immobilisa. Enfin un peu de répit. Mais le cerveau d’Adèle en profita pour se rappeler à elle : les pensées affluèrent en nombre et la torture mentale succéda à la torture physique. Serait-elle jamais tranquille ? Elle se demanda ce qu’elle allait chercher, comment elle s’y prendrait, quand elle reviendrait et dans quel état d’esprit. Plus en paix ? En colère ? Et si elle rentrait bredouille ? Cela, elle ne pouvait pas l’envisager. Elle ignorait ce qu’elle allait découvrir et cette pensée lui donnait le vertige. Elle partait sans plan établi, sans méthode, à l’aveugle, et n’avait aucune idée des gens qu’elle allait rencontrer ni des sensations qu’elle éprouverait une fois là-bas…Mais sa détermination était chevillée à son cœur, elle mettrait tout en œuvre pour découvrir la vérité sur cette île de malheur. »

J’espère vous avoir donné envie d’y jeter un œil et je vous dis à la semaine prochaine pour découvrir de nouvelles premières lignes…

2 réflexions au sujet de « Premières lignes (2) »

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