Premières lignes (139)

Dans ce rendez-vous hebdomadaire, organisé par Ma Lecturothèque, je vous ferai part des premières lignes de romans qui me font considérablement envie…


Pour cette semaine, j’ai décidé de vous présenter les premières lignes du roman « Le Tisseur de Métal », tome 1 de la série « Metal Singer », écrit par Rachel Schneider et édité chez De Saxus !

« Le Marché n’a lieu qu’une fois par an, depuis l’exil forcé de notre peuple vers la mer il y a plus d’un siècle. À Alaha, deux catégories de personnes ont le privilège de s’y rendre, les gardes, chargés du bon déroulé des échanges commerciaux et du transport de marchandises, et la promotion actuelle de futurs gardes. Elle compte cinquante-six novices en tout, et pour nombre d’entre nous, ce pourrait bien être la dernière fois que nous voyons la terre ferme avant des dizaines d’années, si ce n’est la dernière fois tout court. Chaque année, seule une poignée de gardes est choisie par le capitaine pour retourner au Marché. Aujourd’hui pourrait donc bel et bien être notre unique chance. Kai et moi échangeons un regard irrité. Nous lui faisons part de notre agacement, mais il est trop loin pour nous entendre, il a déjà traversé les quartiers intérieurs et remonté l’échelle qui mène au pont supérieur avant qu’on ne parvienne à le rattraper. De toute façon, toute récrimination meurt sur nos lèvres devant la vue qui s’offre à nous. La terre. La différence entre cette ligne de côte rocheuse et notre chez-nous, dans les arbres d’Alaha, est proprement sidérante. Toutes les illustrations, tous les tableaux, font pâle figure devant ce spectacle. Comme si nous étions entrés en transe, nos voix surexcitées faiblissent, et notre bateau continue d’avancer en silence. Jamais je ne me suis sentie aussi petite, aussi insignifiante, que devant cette vertigineuse paroi de roche qui me force à basculer la tête en arrière pour l’embrasser en entier. Et puis je la vois, la faille dans la falaise, comme si un géant avait voulu fendre la terre en deux d’un grand coup de hache. Le Marché est niché au cœur de la faille, bâti sur un large quai. Il s’étire entre les deux flancs opposés de la falaise, et s’enfonce si loin qu’on n’en voit pas le bout. Cette étendue est un terrain neutre où nous, les Alahéens, pouvons rencontrer le peuple du Kenta. Il faut encore quelques heures à notre flotte pour franchir les différentes digues avant de pouvoir nous amarrer. Les gardes installent les planches qui permettront de débarquer la cargaison de poissons pêchés au chalut lors du voyage. L’un des commandants aboie ses ordres et les filets sont hissés hors de l’eau puis déposés dans des chariots. La pêche est destinée à servir de monnaie d’échange pour tout ce que le capitaine parviendra à négocier avec le roi. Le plus souvent, du blé ou des produits frais. J’ai attendu ce jour toute ma vie, au point d’imaginer que les habitants de la terre n’étaient peut-être qu’une légende. L’activité fourmillante sur la jetée ne pourrait pas me détromper davantage. »

À la semaine prochaine pour découvrir de nouvelles premières lignes !

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