Premières lignes (126)

Dans ce rendez-vous hebdomadaire, organisé par Ma Lecturothèque, je vous ferai part des premières lignes de romans qui me font considérablement envie…


Pour cette semaine, j’ai décidé de vous présenter les premières lignes du roman « Le Vent souffle sur Little Balmoral », écrit par Sophie Jomain et édité chez Charleston !

« J’ai laissé derrière moi les étendues rougeoyantes du Québec, et si la Creuse est bien différente de mes terres canadiennes, l’automne y est aussi captivant. Partout, les feuillages dorent et roussissent, offrant à mes yeux émerveillés une palette de couleurs extraordinaires. J’aime quand l’été se termine et laisse place à la magie d’octobre, tout est plus romantique et chaleureux. Il me semble que des quatre saisons, l’automne est la plus réconfortante. Je l’ai toujours préférée aux autres. Je ralentis en voyant le panneau de signalisation bordé de rouge propre à la France lorsqu’on entre dans une agglomération. Vitesse autorisée, 50 km/h. Deux cents mètres, et on passe à 30 km/h. Il y a une école à proximité, juste après le pont à trois arches qui s’élève au-dessus de la Creuse. L’été, des feuilles de nénuphar s’étendaient le long des berges et on pouvait y entendre les grenouilles coasser. En avançant un peu, je revois aussi la boulangerie qui cuisait encore son pain au feu de bois il y a neuf ans. Je m’en souviens comme si c’était hier, de ces maisons en pierre grise et de ces anciennes fortifications, de cette mairie avec sa petite place, sa fontaine, ses bancs accueillants sous les platanes. C’est joli. Je n’aurais jamais cru revenir à Cornehotte un jour, berceau de ma famille maternelle. La dernière fois, c’était en 2016, un 24 juillet où le ciel était immensément bleu, où il faisait assez chaud pour se baigner dans la rivière, et où le peu de famille que j’avais a volé en morceaux. Je venais d’avoir 16 ans. On ne traverse pas l’Atlantique comme on traverse la rue pour aller chez son boulanger, nous ne venions déjà pas très souvent à Cornehotte avec ma mère, mais après la dispute qui a éclaté entre elle et ma tante, nous n’y avons plus jamais mis les pieds. L’histoire ? Elle n’est pas des plus belles à raconter et pourtant, elle est vieille comme le monde, un Alzheimer, un enterrement, un héritage dilapidé avant l’heure par une fille aînée, et une cadette folle de colère et d’injustice, qui se retrouve sur la paille sans avoir eu son mot à dire. « Pas mes oignons, m’avait dit un jour une copine de classe quand je suis retournée au Québec, c’est l’affaire des adultes et les adultes sont souvent très cons quand il s’agit d’argent. » Peut-être, mais ça a quand même conditionné pas mal de choses, je n’ai plus jamais parlé à ma tante après ça. Aujourd’hui ? Plus de parents, pas de grands-parents, pas d’oncles ni de cousins, je suis désormais l’unique représentante des Demay, et c’est donc moi qui hérite de tous les biens. Quelle ironie du sort…Ma mère doit se retourner dans sa tombe. Cela dit, il faut que le testament soit sacrément en ma faveur pour que j’aie accepté de revenir dans le coin. Car si Cornehotte est aussi adorable que son nom le laisse supposer, c’est aussi ici que j’ai laissé plusieurs des pires souvenirs de mon adolescence. Le notaire n’a pas donné de détails durant nos échanges, mais je sais précisément de quoi j’ai hérité, la supposition est évidente, de la maison de ma tante et pas n’importe quelle maison. Il s’agit d’un manoir construit au début du XIXe siècle, le genre de bâtisses inaccessibles qu’on ne voit que dans les films ou le long des routes de vacances, et dans lesquelles on rêve de vivre. Le type de domaine que la plupart des gens ne pourront jamais s’offrir. Ma tante était une artiste et s’en sortait bien. Tableaux, affiches, livres jeunesse, ça plus l’argent qu’elle a piqué à ma grand-mère, elle n’a eu aucun mal à faire son nid, contrairement à ma mère. Peu importe, maintenant. J’hérite, je vends et je retourne chez moi ! »

À la semaine prochaine pour découvrir de nouvelles premières lignes !

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