Premières lignes (72)

Dans ce rendez-vous hebdomadaire, organisé par Ma Lecturothèque, je vous ferai part des premières lignes de romans qui me font considérablement envie…


Pour cette semaine, j’ai décidé de vous présenter les premières lignes du roman « Les Oiseleurs », écrit par Camille Noyer et édité chez Auzou !

Les Oiseleurs

« Il y avait un pont, mais il était brisé. Encadrée de deux statues monumentales représentant les antiques gardiens d’Avem Dis, cramponnée au rebord de la falaise qu’il surplombait, son amorce s’élançait élégamment au-dessus du vide avant de s’interrompre abruptement, comme une flèche indiquant une direction impossible à suivre. Le tronçon était assez large pour que la foule qui occupait en ce moment la plaine bordant la falaise puisse s’y réunir tout entière, mais personne ne s’en approchait à part les oiseaux, perchés le long des parapets de pierre blanche. Le pont avait été construit mille cinq cents ans plus tôt par des hommes puissants et ambitieux, qui croyaient que leur règne serait éternel. Il était le seul moyen de franchir le gouffre insondable qui barrait l’accès à Avem Dis, le domaine des oiseleurs, dont on voyait s’élever les tours du palais et celles des colombiers. On distinguait aussi ce qui restait du dôme préservant le temple sacré, une structure métallique semblable à une cage. Une colonne d’oiseaux tournoyait en permanence au-dessus du domaine, nuée multicolore dont les cris remplissaient le ciel de présages. Il n’y avait plus de pont. Il avait été détruit bien des siècles plus tôt. Mais Avem Dis était toujours là. La foule rassemblée dans la plaine était encore plus dense que d’habitude. Les voyageurs qui se pressaient comme chaque année sur l’antique route impériale, laquelle ne menait nulle part ailleurs qu’à Avem Dis, étaient innombrables. C’étaient des augures et leurs disciples allant prendre les auspices, c’étaient des seigneurs et leurs hauts maîtres en visite au siège du Troisième Collège ; c’étaient des habitants de Mestkydd ou des villages alentour, venus se recueillir en famille ; c’étaient aussi des pèlerins de toutes les origines, qui ne voulaient pas mourir sans avoir vu Avem Dis, c’était enfin le peuple des marchands itinérants, des colporteurs, des bardes et des nomades de toutes sortes, à la recherche de profits. Un marchand houspillait son aide, qui dépliait l’auvent de sa caravane. Des vieilles femmes étaient agenouillées en cercle autour d’un cairn fossilisé. Des chevaux racés piaffaient non loin de la route, gardés par leurs palefreniers. Des gamins dépenaillés sautaient en hurlant par-dessus les ruines polies par le temps, dont on ne pouvait même plus distinguer lesquelles dataient des Adderyns et lesquelles de l’Empire dascalien. L’un des adolescents, qui pouvait avoir seize ou dix-sept ans mais paraissait plus jeune, se fit bousculer et se cogna soudain la cuisse contre un muret effondré. Il avait un visage long et étroit, un petit nez pointu, un menton pointu, des oreilles pointues. Son crâne était couvert d’un fin duvet couleur de poussière et il portait une chemise trois fois trop grande et des sandales raccommodées. »

À la semaine prochaine pour découvrir de nouvelles premières lignes !

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