Premières lignes (49)

Dans ce rendez-vous hebdomadaire, organisé par Ma Lecturothèque, je vous ferai part des premières lignes de romans qui me font considérablement envie…


Pour cette semaine, j’ai décidé de vous présenter les premières lignes du roman « La Promise au Visage de Fleurs », écrit par Roshani Chokshi et édité chez De Saxus !

La Promise au Visage de Fleurs

« Voici l’histoire du jour où Indigo Maxwell-Casteñada me trouva. J’étais perdu depuis longtemps, et je m’étais habitué à l’obscurité. Je doutais que quiconque puisse me persuader d’en sortir. Mais Indigo était une de ces créatures capables de chasser au flair, et la puanteur de mon désir désespéré avait dû lui apparaître comme une traînée fluorescente et particulièrement tentante. Avant Indigo, j’évitais les endroits où l’argent servait à se donner en spectacle plutôt qu’à payer. Je m’accrochais à l’opinion qu’ils étaient bruyants et crasses, armure minable et néanmoins robuste de l’homme de peu que j’étais à cette époque. J’étais pauvre, mais riche d’une certaine expertise, et j’officiais comme conservateur invité de L’Exposition des femmes monstrueuses. L’événement m’avait amené à Paris sur des deniers qui ne m’appartenaient pas, et plus précisément à l’hôtel Casteñada. L’établissement, qui avait jadis été l’une des résidences royales de Louis XIV puis de Marie-Antoinette, figurait parmi les plus somptueux hôtels au monde. Le plafond voûté, une restauration à l’identique de l’original, m’avait-on dit, montrait toujours des dieux musculeux au regard indifférent parmi des nuages dorés et ventrus. À travers le lierre qui recouvrait partiellement les murs, des satyres en pierre au visage grimaçant dévisageaient les clients avec appétit. Chacun des hôtels de la chaîne détenue par la famille Casteñada mettait à l’honneur un motif de conte de fées. J’en déduisis que celui-ci était un hommage à La Belle et la Bête de Gabrielle-Suzanne Barbot de Villeneuve, et bien qu’il m’en coûte de l’admettre, il y avait dans ce décor quelque chose de surnaturel. Il était si charmant qu’il oblitérait presque la faune des top-modèles, DJ, hommes d’affaires rougeauds et autres créatures richement vêtues et ostensiblement insipides qu’attirait ce genre d’endroits. Après des mois de recherche, j’avais remonté la piste d’un grimoire du XIIIe siècle jusqu’à la collection privée de la famille Casteñada. Mes premières requêtes pour le consulter n’avaient obtenu aucune réponse. Ce n’était pas surprenant. Ma notoriété d’historien du Moyen Âge spécialisé dans la préservation des incunables se limitait aux cercles académiques. Je n’avais rien d’autre à perdre que du temps. Alors, j’ai rédigé lettre après lettre et j’ai passé des heures à attendre que le fax les recrache dans des bureaux aux quatre coins du monde. J’ai perdu une petite fortune en appels longue distance, jusqu’à ce que, enfin, un message me parvienne une semaine avant mon départ pour Paris. »

J’espère vous avoir donné envie d’y jeter un œil et je vous dis à la semaine prochaine pour découvrir de nouvelles premières lignes…

4 réflexions au sujet de « Premières lignes (49) »

Laisser un commentaire