Dans ce rendez-vous hebdomadaire, organisé par Ma Lecturothèque, je vous ferai part des premières lignes de romans qui me font considérablement envie…
Pour cette semaine, j’ai décidé de vous présenter les premières lignes du roman « Belladonna », écrit par Adalyn Grace et édité chez De Saxus !

« Tout a commencé par les pleurs d’un bébé. Emmaillotée dans un lange cramoisi aussi vif que le sang, Signa Farrow était le bébé de deux mois le plus saisissant de la fête, et sa mère avait bien l’intention de le faire savoir. « Regardez-la », chantonnait sa mère, levant le nouveau-né mécontent pour que tous puissent l’admirer. « N’est-elle pas la créature la plus parfaite que vous ayez jamais vue ? » Rima Farrow brillait de mille feux et tournoyait avec son bébé dans la foule. Elle était entièrement drapée d’élégants joyaux, présents de son mari architecte. Sa robe de soie était d’un bleu cobalt profond, s’agitant par-dessus une crinoline plus large que quiconque aurait osé arborer en sa présence. Les Farrow étaient l’une des familles les plus riches au monde, tous ceux qui participaient à cette fête cherchaient à goûter ne serait-ce qu’à une infime fraction de leur richesse. C’est pourquoi ils affichaient de larges sourires dont ils savaient Rima friande, et ils gazouillaient à l’attention de l’enfant qu’elle portait avec tant d’affection. « Elle est magnifique », dit une femme qui regardait Rima plutôt que le bébé tout en éventant sa peau moite pour lutter contre la chaleur de l’été. « Parfaite », surenchérit une autre, ignorant à dessein le petit nez de travers de Signa et son cou tout plissé. « Elle ressemblera à sa mère, je n’en doute pas. Elle se régalera des cœurs de prétendants dénués de méfiance en un rien de temps. » L’homme qui avait prononcé ces mots s’efforçait de ne pas s’attarder sur les yeux de Signa qui le perturbaient terriblement, l’un d’un bleu hivernal, l’autre couleur d’or fondu. Tous deux bien trop éveillés pour un nouveau-né. Signa n’arrêtait pas de pleurer, elle était rouge de colère et avait la peau moite. Tous ceux qui l’observaient trouvaient cela normal, les étés à Fiore étaient revêtus d’une chape de chaleur et d’humidité. Que l’on se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur, les gens luisaient d’une sueur qui couvrait leur peau comme un voile. C’est pourquoi aucun d’entre eux ne soupçonnait ce que le nouveau-né savait déjà, l’ange de la Mort s’était frayé un chemin dans le manoir de Queue-de-Loup. Signa sentait sa présence autour d’elle comme on sent la présence d’une mouche qui passe trop près de nous. L’ange de la Mort faisait frémir sa peau et se dresser les courts poils sur son cou. En sa présence Signa se calma, bercée par la fraîcheur qui se propageait à son approche. Mais personne d’autre ne ressentait le même réconfort, car l’ange de la Mort ne venait que là où on l’appelait. Et cette nuit-là, on l’avait appelé à Queue-de-Loup, où du poison imprégnait chaque goutte de vin. Les convives commencèrent par tousser. Des quintes de toux parcoururent la fête, mais les invités toussaient dans leurs jolis gants blancs et s’excusaient, pensant que c’était dû à ce qu’ils venaient de manger. Rima fut la première à présenter des symptômes. Une sueur froide lui chatouillait les tempes, et elle confia son enfant à une domestique alors qu’elle commençait à avoir le souffle court. « Excusez-moi », dit-elle en portant une main à sa gorge, pressant les doigts dans la sueur qui s’accumulait dans le creux de ses clavicules. Elle toussa de nouveau, et quand elle éloigna les mains de ses lèvres, du sang aussi rouge que la tenue de son nouveau-né tachait ses gants en satin. L’ange de la Mort se tenait alors devant elle, et le nourrisson le vit poser une main sur l’épaule de Rima. Dans un dernier soupir, elle s’effondra. L’ange de la Mort ne s’arrêta pas à Rima. Il parcourut la propriété, récoltant les pauvres âmes dont les visages s’empourpraient à mesure que leurs poitrines se serraient et que leurs respirations devenaient difficiles. Il se fraya un chemin entre les danseurs et les musiciens, leur volant leur souffle d’un simple contact glacial. Certains s’avancèrent en direction de la porte, pensant que quelque chose dans l’air les rendait malades. Que s’ils pouvaient atteindre les jardins, ils seraient épargnés. Un par un, ils tombèrent comme des étoiles filantes, seuls ceux qui avaient la chance de ne pas encore avoir goûté le vin furent en mesure de s’échapper. La domestique parvint tout juste à ramener Signa à la chambre d’enfant avant de tomber, elle aussi, les lèvres couvertes d’un sang couleur rubis tandis que l’ange de la Mort ralentissait son cœur et la laissait tomber au sol. Même tout bébé, Signa ne se trouva pas perturbée par l’odeur nauséabonde de la mort. Plutôt que de céder à la panique qui l’entourait, l’enfant se concentra sur ce que personne d’autre ne voyait, la lueur bleuâtre des esprits translucides qui envahissaient le domaine à mesure que l’ange de la Mort les prélevait de leur enveloppe charnelle. Certains partaient paisiblement, prenant la main de leur partenaire en attendant leur escorte pour la vie après la mort. D’autres essayaient désespérément de retourner dans leur corps à coups de griffes, ou cherchaient à échapper à un faucheur d’âmes qui ne courait pas après ses proies. Au milieu de tout ça, une Rima décédée et luisante se tenait en silence dans la chambre de Signa, et observait, l’air profondément renfrogné et le regard vide, l’ange de la Mort franchir le seuil de la porte. Ses pas ne faisaient pas de bruit. Il approcha du nouveau-né, une forme de ténèbres en éternel mouvement. Mais l’ange de la Mort n’avait pas besoin d’être vu, il avait besoin d’être ressenti. Il était un poids sur la poitrine, ou un col trop serré. Une chute dans des eaux glaciales et mortelles. »
J’espère vous avoir donné envie d’y jeter un œil et je vous dis à la semaine prochaine pour découvrir de nouvelles premières lignes…
Un roman qui est dans ma wishlist 🙂
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Ah, voilà qui fait plaisir !
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C’est vraiment intrigant !
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Je suis bien d’accord avec toi !
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