Premières lignes (52)

Dans ce rendez-vous hebdomadaire, organisé par Ma Lecturothèque, je vous ferai part des premières lignes de romans qui me font considérablement envie…


Pour cette semaine, j’ai décidé de vous présenter les premières lignes du roman « Magie & Sentiments : Les Secrets de Longdawn », écrit par Ariel Holzl et édité chez Slalom !

Magie & Sentiments : Les Secrets de Longdawn

« Luke n’aime pas les fontaines. L’eau, en particulier l’eau prisonnière d’un joli écrin de marbre, lui rappelle trop sa grande sœur, Rebecca. Et s’il vadrouille dans les jardins du palais avec sa salamandre pour seule compagnie, c’est encore la faute de Becky, l’aînée de la famille Hexeter fait aujourd’hui son entrée dans la société. Seulement, l’Angleterre ne manque pas de jeunes mages à présenter au roi Victor et la cérémonie dure depuis déjà trois heures…Trois heures des plus barbantes, à rester debout dans un costume trop neuf qui le gratte à l’encolure et sent le camphre des charmes anti-mites, anti-plis et anti-boutons perdus. Trois heures des plus étouffantes, car les fenêtres du palais restent inexplicablement closes face aux assauts féroces du soleil de juillet. Trois heures des plus bruyantes au milieu de la file sans fin des familles, le fleuron de l’aristocratie anglaise, et de leurs héritiers. Encore plus inconfortablement guindés que Luke, les mages en devenir sont si nerveux qu’ils bafouillent devant le monarque, puis signent leur nom au bas du Codex royal en faisant des pâtés d’encre avec la grande plume de corbeau blanc. Pour un garçon de douze ans, il n’existe aucune torture plus cruelle que cette trop longue cérémonie. Sauf peut-être l’obligation d’y revenir à ses quinze ans, lorsqu’il aura à son tour le droit d’apposer son nom dans le Codex et de rejoindre ainsi la bonne société des mages distingués…Afin d’éviter de mourir d’ennui, Luke a donc prétexté une envie pressante. Pas la sienne mais celle de Sally. Tel est le nom qu’il a donné à sa salamandre, un baptême qui remonte à déjà quatre ans, lorsque ses parents lui ont offert un familier pour l’aider à réguler les premières manifestations de sa magie. À l’époque, Luke s’est cru très malin, appeler une salamandre « Sally », n’est-ce pas un bon mot digne d’un poète ? Mais maintenant qu’il a gagné en maturité, il doit reconnaître que son choix ne tient pas exactement du génie…N’est pas lord Byron qui veut ! Même s’ils n’en pensent sans doute pas moins, Père et Mère n’ont jamais rien dit. La plus grande faiblesse des Hexeter est la fierté sans bornes que leur inspirent leurs enfants. Luke le sait fort bien et, s’il leur rend leur amour au centuple, il n’est cependant pas encore assez raisonnable pour s’interdire d’en abuser. En particulier quand il s’agit d’obtenir une permission de sortie. Percival et Meredith Hexeter la lui ont accordée avec un soupir proche du grognement. Ils étaient déjà suffisamment occupés à recoiffer Rebecca, à réprimander Damian, à calmer les pleurs de Gladys et à empêcher bébé Effie de manger les bougies qui passaient à portée de ses petits doigts boudinés…Ils ne comptaient pas ajouter l’incontinence d’un familier, en particulier s’il ne mangeait que du soufre, à leurs soucis du moment. Ravi de son subterfuge, Luke a quitté le salon royal en tirant la laisse de sa salamandre. Elle ressemble beaucoup à un gros iguane, en plus paresseux. Ils sont passés devant des gardes à la posture raide et aux plastrons d’uniforme aussi rouges que les écailles de Sally. Luke a admiré au passage leurs sabres aiguisés. Des armes purement décoratives, car le métal est fort coûteux à enchanter, mais tellement romanesques ! Il s’imaginait déjà dans les pages de ses revues à un penny, embrochant des pirates, des vampires, des fantômes, des dragons et même des fantômes de pirates chevauchant des dragons vampires…Devant les gesticulations brusques de ce freluquet aux cheveux blond vénitien, un valet s’est hâté d’ouvrir une porte-fenêtre. Une fois dehors, Luke a repris vie. Il se sentait étouffer de chaleur, un comble vu son affinité pour le feu ! Mais après tout, même les flammes ont besoin d’air pour survivre…Sally sur les talons, il a entamé une promenade à travers les jardins aux pelouses impeccables, vers un petit lac. Plus loin encore, les hauts bâtiments de Longdawn bordaient l’enceinte de ce carré de nature surgi en pleine ville comme une oasis au cœur du désert. Bien avant qu’il les ait atteints, les pas de Luke ont été arrêtés par la fontaine colossale qui lui rappelle donc sa grande sœur et lui arrache un frisson de dégoût. Intégralement peinte à la feuille d’or, sa figure centrale représente une femme couronnée dans une posture triomphante, un doigt levé vers le ciel et l’autre tenant un sceptre ouvragé. Probablement une ancêtre du roi Victor. Si l’on omet les ailes d’ange. Mais peut-être vient-elle des âges sombres où les limites de la magie étaient bien moins claires qu’aujourd’hui ? Pour une sorcière d’antan, une paire d’ailes n’est pas si improbable. Des statues de nymphes dansent et jouent de la lyre à ses pieds. Plus dévêtues que l’illustre figure qui les surplombe, elles ne laissent pas Luke de marbre…Néanmoins, il n’a que douze ans et son attention se déporte vite de l’autre côté de la fontaine, vers un spectacle plus attrayant : des garçons de son âge semblent occupés à faire flotter des bateaux à la surface du bassin. Un sourire réjoui se dessine sur son visage. Voilà un jeu qu’il a l’habitude de partager avec Damian, sur le lac qui borde leur manoir de campagne. De manière inexplicable, son petit frère refuse toujours de jouer le rôle du légendaire amiral Nelson, préférant celui de l’infâme Napoléon…Luke se sent donc un peu coupable lorsqu’il doit lui couler ses navires. Mais juste un peu : on ne plaisante pas avec l’honneur du royaume. »

J’espère vous avoir donné envie d’y jeter un œil et je vous dis à la semaine prochaine pour découvrir de nouvelles premières lignes…

4 réflexions au sujet de « Premières lignes (52) »

Laisser un commentaire