Premières lignes (111)

Dans ce rendez-vous hebdomadaire, organisé par Ma Lecturothèque, je vous ferai part des premières lignes de romans qui me font considérablement envie…


Pour cette semaine, j’ai décidé de vous présenter les premières lignes du roman « La Lame des Glaces », tome 1 de la série « L’Écho des Promesses », écrit par Mary Ann P. Mikael et édité chez Bookmark !

« Le temps file trop vite. Il faut que ça fonctionne. Nous n’avons pas le choix. Le visage pourtant fatigué de ma femme de chambre et fidèle amie dans ce palais allège la pression sur mon cœur. Les préparatifs ont été réalisés plus rapidement que je ne l’espérais. J’ouvre ma boîte à bijoux et défais le double fond pour en sortir deux colliers identiques à celui que je porte moi-même. D’un mouvement, je me tourne vers Léna et m’approche en quelques enjambées pour me saisir de ses mains. Elle ne m’a jamais trahie. Pas une seule fois. Léna aime mes enfants presque autant que moi. Comme si c’était les siens. La tristesse voile ses yeux. Je me détourne pour terminer les derniers préparatifs. Il faut se ressaisir, nous ne devons pas agir étrangement. Tout doit se dérouler tel que nous l’avons prévu. Sinon, ce sera de nouveau un échec. Et nous n’avons plus le droit à l’erreur. J’entends la porte se refermer et un soupir las passe mes lèvres. Je l’ai vécu déjà trois fois et malgré cela l’angoisse reste la même. Elle est même pire. C’est ma dernière chance pour les sauver. Un picorement contre la fenêtre me fait sursauter. J’ouvre le battant et un calliste aux teintes jaune doré se pose sur mon épaule. Ses ailes élégantes tachetées de vert se referment dans un bruissement soyeux. Son piaillement me répond et sa tête duveteuse me câline la joue en un geste quasi rassurant. Trois fois, le sablier de ma lignée m’a offert une chance de tout recommencer. Trois fois, j’ai échoué. Le calliste s’envole et se perche sur la rambarde du balcon. Ses yeux perçants et d’un noir profond me sondent. L’envoyé de l’esprit protecteur des De Flores me salue. Il ne peut plus rien pour moi, pour nous. Dans son regard, je peux déceler une promesse, si nous survivons, il saura nous retrouver. Après un dernier gazouillis d’encouragement, il s’envole vers le lointain. J’envie sa liberté. Deux coups retentissent fortement contre la porte. C’est l’heure. Le couperet va tomber. J’inspire une grande goulée d’air et affiche un visage impassible. La mascarade (re)commence. Mon escorte et moi traversons les couloirs que je connais par cœur. Je les ai tellement arpentés. Qui aurait pu croire à l’époque de mon arrivée que tout se terminerait ainsi ? Le sol, fait de dalles de marbres veinées, recouvert d’un tapis bleu sombre tissé d’arabesques qui s’effiloche, m’est si familier. J’avais demandé qu’il soit réparé. Le long des murs en pierre, des candélabres en fer forgé éclairent notre parcours d’une lumière vacillante. Les ombres dansantes m’accompagnent, spectatrices silencieuses de cette marche funèbre. Lorsque j’arrive face à la porte en bois massif menant à la salle du trône, je retrouve mes deux enfants. Alric frotte ses paupières, encore ensommeillé, tandis qu’Adélaïde lui tient la main et me fixe de ses yeux d’un vert étincelant. Leurs chevelures d’un blond cendré caractéristique de ma lignée ondulent autour de leurs visages dorés par nos origines du Sud. Adélaïde resserre sa prise sur son petit frère et se redresse de toute sa hauteur d’enfant allant sur ses six cycles. Pour avoir déjà vécu cette scène, je sais qu’elle a compris qu’un complot se dessine. Son esprit vif est ma fierté. Nous avançons sur le tapis devenu rouge, la couleur de l’Empire, pour nous arrêter à quelques pas de l’estrade où trônent l’empereur Christopher Celayne et sa concubine préférée, Sophia Drelmont. Quand elle a rejoint les favorites de mon époux, rien ne pouvait présager qu’elle monterait les échelons aussi vite. Ce n’était qu’une vulgaire baronne. Et la voici à présent comtesse, assise à ses côtés, le ventre rond, future impératrice. L’oracle a prédit la naissance d’un garçon dont l’avenir fera la gloire de l’Empire. Un second fils. Prendre ma place est une chose, évincer Alric en est une autre. Le pire étant que Christopher n’a rien fait pour ne serait-ce que maintenir le statut de son premier-né. Celui qui venait de son épouse légitime. Celui qu’il a tant aimé à sa naissance. Je me souviens encore de son regard étincelant d’amour pour nos deux nouveau-nés. Où est passé l’homme si fier et heureux qui est resté à leur chevet les trois premiers jours ? La rage ronge mon cœur. Il est cependant bien trop tard pour pouvoir intervenir, à présent. Le temps m’a prouvé que c’était peine perdue. »

À la semaine prochaine pour découvrir de nouvelles premières lignes !

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